Le blé
Elément principal de l’ancienne agriculture, le blé était partout : il mûrissait ses épis dans l’ombre des oliviers, s’insinuait entre les rangées de vignes, accaparait les terres des plaines. C’était la culture nourricière par excellence, celle qui assurait le pain que le paysan payait souvent en farine au boulanger ou qu’il fabriquait lui-même.
A Lorgues, on utilisait des semences qui provenaient essentiellement du Thoronet. En règle générale, la culture du blé était biennale, c’est-à-dire qu’on ne semait que tous les deux ans sur la même parcelle. On alternait avec des fèves, des pois chiches, ou on laissait reposer la terre. Les rendements étaient assez mauvais et l’on se plaignait volontiers que le blé ne rapportait pas, mais on était pris entre la tentation d’y renoncer pour augmenter les cultures plus rémunératrices - la vigne avant tout - et la crainte de manquer de pain en cas de crise des subsistances. Et puis le blé associé à l’olivier et à la vigne permettait au paysan et à sa famille de s’occuper toute l’année. C’était les raisons de la persistance de cette culture archaïque peu rentable et qui cependant occupait des terres. L’agronome lorguais, de Gasquet, déclarait en 1866 devant la commission d’enquête agricole: “Cette culture est un non-sens dans beaucoup de nos terres ; aussi je voudrais la voir restreindre le plus possible. Qu’on valorise les mauvais terrains et qu’on mette en prairies naturelles ou artificielles les autres, ainsi qu’en vignes”.
Le blé recula au fur et à mesure que cette agriculture de subsistance se transforma en agriculture de profit et que les transports favorisèrent l’approvisionnement extérieur. Il n’occupait plus que 500 Ha du territoire lorguais en 1892 au lieu de 3200 en 1835.
Vers la Saint-Jean, le 24 juin, débutait la récolte. On formait en général des groupes composés de deux moissonneurs et d’une lieuse de gerbes. La faucille était l’outil habituel. Longtemps elle fut préférée à la faux qui sectionne les blés à ras du sol laissant peu de chaumes pour l’engrais et la pâture. Pourtant, celle-ci finit par s’imposer. Le faucheur portait à sa ceinture une corne de boeuf creuse qui contenait de l’eau et la pierre à aiguiser. Le dépiquage se faisait sous les sabots des bêtes puis sous le poids du rouleau en pierre qui s’était répandu depuis son apparition vers 1850 dans la ferme-école de Charles de Gasquet (voir Tome 1, Place de l’Aire Neuve). La récolte était égrenée et épurée par pelletage, vannage et plus tard par passage à la vantarello, dit aussi tarare. Le blé était porté au moulin une fois lavé et reposé.