Edouard Soldani
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Livres Critique .Extrait de L'Express du 05/04/2004 .
Qui a organisé l'attentat de février 1984 contre l'ancien
maire de la ville? Dans son livre, Contrats sur la démocratie, Jean-Pierre
Bonicco revient sur la question. L'attentat se produit dans un contexte d'extrême tension, entre les deux tours des municipales. Réélu de justesse un an plus tôt, Soldani remet en jeu le mandat qu'il détient depuis 1959, le précédent scrutin ayant été invalidé par le Conseil d'Etat. Après une longue période de déclin, le long règne du "parrain" semble en passe de se terminer. Le Var "rouge" bascule vers la droite, qui a peu à peu conquis toutes les villes importantes du littoral. Draguignan reste le dernier bastion socialiste du département et le &laqno;vieux lion», en ballottage, est en mauvaise posture face à un jeune rival RPR aux dents longues, Jean-Paul Claustres. La sous-préfecture est déjà en ébullition quand tombe l'incroyable nouvelle. Le lendemain, alors que Soldani a été transporté à Marseille, 4 000 personnes manifestent dans les rues à l'appel de ses colistiers. Des tracts et des accusations circulent. C'est finalement sur son lit d'hôpital que le patron du département apprend qu'il est battu: Jean-Paul Claustres l'emporte, avec 51% des suffrages exprimés. Le &laqno;soldanisme» a vécu. Cette figure tutélaire quitte la scène politique et meurt en 1996. "On ne connaît toujours pas aujourd'hui les circonstances exactes ni même le motif de ce guet-apens", constate Jean-Pierre Bonicco, journaliste à Var Matin, qui revient sur cette étrange affaire au détour d'un livre consacré à trois dossiers politico-criminels marquants de l'histoire varoise (Contrats sur la démocratie, éd. Bartillat): l'assassinat de Daniel Perrin, deuxième adjoint du maire de La Seyne-sur-Mer, par deux hommes à moto, en 1986; la mort de Jean-Claude Poulet-Dachary, ancien légionnaire homosexuel devenu adjoint de Jean-Marie Le Chevallier, maire FN de Toulon, en 1995; et enfin le fameux attentat contre Edouard Soldani, en 1984. Deux morts et un blessé qui, avec l'affaire Yann Piat, dont Bonicco avait déjà décortiqué les rouages (L'Affaire Yann Piat. Autopsie d'un crime exquis, éd. Bartillat), montrent une image délétère du pouvoir et des moeurs politiques du département. Mystères. Bien des zones d'ombre subsistent en effet sur l'origine du coup de feu contre le "boss" de Draguignan. Celui-ci avait quitté la mairie vers19 h 30, après avoir reçu un appel téléphonique, et roulait, seul avec son chauffeur, vers la sortie de la ville, pour se rendre chez sa fille. Dans un virage, après un pont, deux coups de feu sont tirés contre la voiture, dont la vitre de la portière arrière droite vole en éclats. Le maire reçoit une quarantaine de plombs de 8 dans l'épaule, qui lui pulvérisent la tête de l'humérus. On retrouvera également des chevrotines dans le siège arrière. Le chauffeur affirme qu'il ne s'est pas arrêté, mais un témoin qui circulait à pied a entendu des éclats de voix au bord de la route avant les tirs. A l'hôpital, on ne retrouvera pas la veste que portait le maire ce soir-là, et que les enquêteurs de la PJ de Toulon auraient bien voulu examiner. Ces derniers n'ont jamais pu auditionner Soldani et un non-lieu a finalement été prononcé, quelques mois plus tard. Attentat politique? Dispute personnelle? Accident? Règlement de comptes? Toutes les hypothèses ont circulé, y compris celle selon laquelle l'élu socialiste ou ses lieutenants auraient monté une mise en scène pour tenter de renverser le cours des élections, mise en scène qui aurait mal tourné. &laqno;Rien ne permet d'étayer ce scénario, ni d'ailleurs aucun autre: Soldani a emporté son secret dans la tombe», conclut Jean-Pierre Bonicco. En interdisant avant de mourir qu'on y inscrive la mention "ancien maire de Draguignan"... |