Une oeuvre d'Injalbert découverte à Lorgues
A la maison de retraite publique de la ville de Lorgues se trouve une sculpture qui vient d'effectuer un long séjour entreposée au bas de l’escalier de service, à même le sol. Personne n’avait apparemment conscience de sa valeur ni de son histoire. Il s’agit d’un très beau buste en bronze de 80 cm de hauteur qui porte la signature du sculpteur bitterois : Jean Antoine Injalbert. |
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Né à Béziers en 1845 et mort à Paris en 1933, Injalbert fut Prix de Rome, professeur et membre de l'Académie des Beaux-Arts, de l'Institut de France. Il a réalisé de très nombreuses oeuvres dont beaucoup de commandes publiques dans toute la France, certaines monumentales : à Paris notamment on lui doit les divinités marines du pont Mirabeau, des bas-reliefs du Pont de Bir-Hakeim, le monument à Auguste Comte à la Sorbonne, la statue de Mirabeau au Panthéon …et plusieurs musées dont celui d’Orsay exposent ses oeuvres. Les copies et moulages de sa Marianne, réalisée pour le centenaire de la Révolution française, sont présents dans de très nombreuses mairies et écoles du pays. Un grand nombre de ses oeuvres se trouve au musée des beaux-arts de Béziers à la suite de la donation du fonds de son atelier par sa veuve en 1934, et à la villa Antonine, où il avait son atelier. Dans le Var, on lui doit le monument à la gloire de Pierre Puget qui se trouve dans le jardin Alexandre 1er à Toulon. |
Jean-Antoine Injalbert (Béziers 1845 - Paris 1933 ) |
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Le buste de l’ancien hôpital de Lorgues porte la mention suivante : « A l’ami Marius. Injalbert.1889 ». Il représente Marius Estellon (Lorgues 1848-1907) qui fut bienfaiteur de l’hospice local dont il a financé en 1880 la construction d’un pavillon pour les malades contagieux et qui fut aussi conseillé municipal en 1892. Marius Emile Estellon est issu d’une famille originaire de Marseille. Son grand–père ainsi que son père (Barthélemy Marius Anthelme) étaient capitaines au long cours dans la marine marchande. Son père acheta le domaine de Berne, grande propriété à cheval sur Lorgues et le village de Flayosc, vers 1845 et c’est à Lorgues que Marius naquit en 1848 ainsi que ses deux soeurs : Joséphine en 1846 et Augustine en1851. Marius ne sera pas marin mais homme d’affaires ; négociant comme on disait à l’époque. Faisant feu de tout bois : agriculture, industrie, immobilier, crédit, il gérera le domaine de Berne, y installera une usine de tomettes, il s’occupera de différents négoces que la famille possédait à Marseille et ailleurs. Il vivra quelque temps à Béziers où il était associé de Joseph Chappaz (1830-1898) industriel qui fit fortune comme fabriquant de vermouth. |
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Joseph Chappaz était le beau-frère de Marius Estellon, il avait épousé sa soeur Augustine, en 1876 à Marseille. En 1885 à 37 ans, Marius Estellon revient se fixer à Lorgues. Il décide, comme cela se faisait beaucoup chez les grands propriétaires de l’époque, d’avoir une maison en ville. On passait les beaux jours dans la propriété à la campagne (Berne en l’occurrence) et l’hiver dans son hôtel particulier en ville. Il achète à Albert de Roux, également négociant marseillais, une maison située « sur le Cours, élevée de deux étages avec mansardes, percée à chaque étage de six fenêtres de façade sur le Cours, ensemble le jardin attenant avec les écuries remise, grenier et bâtiments qui s’y trouvent ». |
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Marius Estellon partagera sa vie entre Lorgues, Marseille et Béziers où il se rendait souvent pour ses affaires et pour rendre visite à sa famille : sa soeur, son beau-frère et ses trois neveux. C’est à cette période que le buste a été réalisé. |
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Maison Chappaz à Béziers |
Deux caryatides de la façade |
Hélas Injalbert sera aussi sollicité dans des périodes tristes touchant les familles Chappaz -Estellon. En 1896, Augustine femme de Joseph Chappaz et soeur de Marius Estellon meurt. Elle avait 45 ans. Son mari fera édifier un tombeau pour elle dans le vieux cimetière de Béziers et demandera à Injalbert d’en réaliser la décoration. Cette chapelle, terminée en 1897, comporte sur le toit une pleureuse assise en pierre et une deuxième sur la porte, debout en bronze. |
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Comment le buste est-il arrivé à l’hôpital de Lorgues? Peut-être qu’après la mort de Marius Estellon en 1907 ses héritiers décidèrent de le léguer à l’hospice, en souvenir des bienfaits prodigués par leur parent. Peut-être que Marius en avait décidé ainsi par testament ? | |
Quoi qu’il en soit il faudrait maintenant que cette oeuvre reçoive enfin la reconnaissance et l’attention qu’elle mérite. Les responsables de la conservation du patrimoine se sont rendus à Lorgues au mois d’avril pour suivre le chantier de la collégiale mais aussi pour voir le buste et entamer une procédure de protection, mais ils n’ont pas pu rencontrer la direction de l’Ehpad et n’ont pas eu accès à la sculpture. Nous ne pouvons que le regretter, il conviendrait de dépasser ces blocages incompréhensibles afin qu’une solution soit rapidement trouvée pour que ce précieux élément du patrimoine lorguais et varois puisse être classé et admiré par tous. Alain MARCEL - Mai 2018 |
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